Rouge

Rouge

C’était un soir d’automne où la lune était rousse
Les enfants cachaient dans l’assiette leur petite frimousse
Car l’ambiance d’habitude agréable et si douce
Était vraiment explosive et leur filait la frousse
Les cris des parents dans leur cœur créaient des secousses

En cette fin de journée où dominait la grisaille
Leur père était rentré énervé du travail
Toute la journée ça avait été la pagaille
Et par dessus le marché au retour les représailles
De sa femme qui de reproches le mitraille

Lui qui d’ordinaire jamais ne défaille
Qui donne toujours tout, fait de son mieux où qu’il aille
Devant son épouse toute rouge qui braille
Lui crachant de vilains mots qui l’assaillent
Ressens en son intérieur comme des coups de cisaille
Et fou de colère quitte le bercail

Il claque la porte et monte dans sa voiture
Puis sans avoir pris le temps de mettre sa ceinture
Démarre en trombe et fonce à toute allure
Les vitres ouvertes, le vent froid giflant sa figure
Que la rage en lui déforme et torture

Le pied toujours appuyé sur l’accélérateur
Il roule imprudemment sans la moindre peur
A deux reprises il a faillit commettre une erreur
Et ceux qui l’ont croisé se sont fait quelques frayeurs
Mais le voilà qui s’arrête après plus d’une heure

Il est à présent loin de toute civilisation
Depuis un bout de temps pas la moindre circulation
A l’entrée de cette forêt qui lui fait une drôle d’impression
Il laisse son véhicule et marche sans connaître sa destination
Avance sur un sentier sans la moindre hésitation
Au milieu des arbres qui lui lancent comme une invitation

Sa colère a tout de même diminué d’un cran
Mais il reste néanmoins très énervé et à cran
Soudain devant lui comme s’ils surgissaient d’un écran
Quelques sangliers affolés passent en courant
Couinant comme poursuivis par une chose les apeurant
Puis disparaissent derrière les troncs de ces chênes si grands

Notre bonhomme ne s’attendait pas à cette surprise
Qui le calme un peu, de sa colère le dégrise
Sans prévenir, portés par une légère brise
Des bruits sourds répétés lui parviennent et l’électrisent
Un rythme qui excite son âme en crise
Aller voir ou pas, il hésite à plusieurs reprises

La curiosité est plus forte, ce son a un pouvoir
Vers les ténèbres, au fond de cette forêt noire
Il se dirige et finit par apercevoir
Un très vieux bâtiment, on dirait des abattoirs
Juste à côté la lune est venue pour boire
Dans un grand lac qui lui sert de miroir

Très loin de tout au milieu de la clairière
Sous le ciel rouge voilé par la poussière
Des nuages gris aux formes dignes d’une sorcière
De la bâtisse faite de planches et de pierres
Sortent des cris , des faisceaux de lumière
Des mélodies, une ambiance guerrière
Cette musique qu’il aimait, c’était juste hier

Du temps où il était encore célibataire
Il se plaisait à assister à de nombreux concerts
Ce soir les métalleux à l’humeur suicidaire
Sont là pour lui et grouillent dans leur fourmilière
L’homme pousse la porte, ils sont juste derrière
Cette fois il va pouvoir éjecter sa colère

Sur scène se trouvent des musiciens gothiques
En bas ça pullule de chevelus , de crêtes et de pics
Rien d’étonnant, car c’est bien le genre de public
Qui se plait dans tout ces milieux sataniques
Aucune raison de s’inquiéter, pas de panique

Voilà notre homme revenu dix ans en arrière
Dans cette ambiance qui avant lui était coutumière
Ce soir il va pouvoir oublier ces galères
C’est décidé, il va se boire deux ou trois verres
Et lorsqu’il aura vidé toutes ces bières
Son humeur sera déjà plus légère
Il pourra retourner dans sa chaumière

Tout seul accoudé au comptoir
Pendant qu’il noie sont désespoir
Trois personnes vêtues de cuirs noirs
Autour de lui viennent s’asseoir
L’interrogent et lui offre à boire
Il leur raconte tout ses déboires
Ravis de les voir s’émouvoir

Il est à présent en pleine confiance
Elle a sauté toute sa méfiance
Avec les trois il a fait alliance
Il se laisse prendre par l’ambiance
Saute comme un fou, dans l’insouciance
Envolés ses problèmes, il n’en a plus conscience

Il n’est plus qu’un pion au milieu d’une foule qui danse
Tout ces gens déguisés ont une drôle d’apparence
Dans un rythme effréné ils déchaînent leur violence
Tous là pour oublier leurs souffrances
Il est au bon endroit, c’est son jour de chance
Bien mieux d’être là que chez lui sous surveillance

Peu à peu son regard qui se trouble
Par moment il croit voir des gens qui se dédoublent
L’excitation des êtres qui l’entoure redouble
Ils le frôlent de plus en plus et les battements de son cœur doublent
On croirait une troupe de hyènes tournant autour d’un morceau de gras-double

Plus ça va et moins il prend de plaisir
Il se sent mal, a des frissons et transpire
Il voit des crocs à travers les sourires
Les airs sadiques de ces gens aux faces de vampires
Il est terrifié, n’a plus qu’une envie, c’est partir
La porte est close , il est coincé dans l’empire
De ces êtres qui le reluquent et semblent le haïr

Lui qui s’est permis d’entrer dans ce lieu maudit par effraction
Illusion ou pas, il ne sait plus à sa grande stupéfaction
Dans l’air se répand une horrible odeur de putréfaction
Ces choses qui le dévorent des yeux avec satisfaction
En le frôlant créent dans son ventre de nombreuses contractions
Paralysé par la peur il n’a plus la moindre réaction
Les bêtes immondes vont bientôt pouvoir passer à l’action

Les gens déguisés sont devenus des monstres bien réels
Des crocs acérés dépassent de leurs sourires cruels
Le cri des guitares n’est plus qu’un hurlement obsessionnel
Seul au centre d’une ronde infernale et sacrificielle
Il ne perçoit plus rien d’autre que des battements d’ailes
L’attaque est lancée , ça y est c’est officiel

Sous les cieux aux couleurs orange sanguine
En cette lugubre soirée d’Halloween
Sous le toit de ces anciens abattoirs en ruine
Une scène macabre qui se termine
Une vie disparaît noyée dans l’hémoglobine
Plus rien sinon une odeur immonde qui domine

Le jour se lève en éclairant les feuilles fanées
L’abri maintenant semble oublié depuis des années
Sur le lac les canards sont revenus cancaner
Personne ne pourrait imaginer que des êtres damnés
Ont dévoré un homme et son âme condamné
Sous l’eau ne reste plus qu’un crâne trépané

Des enfants sans nouvelle de leur cher père
Une femme folle d’inquiétude qui garde un goût amer
Des gendarmes qui mobilisent jusqu’aux hélicoptères
Pour retrouver le propriétaire de la voiture garée en lisière
De cette forêt où se cache sous terre un grand cimetière
Rien n’y fera, à jamais restera le mystère

Loïc Otharan
30 Octobre 2021