Ne ratez pas le train

Ne ratez pas le train

Sur la route du retour, je regarde défiler les paysages
Le soleil brille, je vois ça comme un heureux présage
Je pense à ceux que j’ai laissé, et dont j’emmène l’image
Ceux qui sont toujours sur place, pour préparer l’hommage

Départs pour et de ce lieu, toujours accompagnés d’un mélange de sentiments
Cette fois, rien de prémédité, juste un départ basé sur un mauvais pressentiment
Nous avons comme toujours été accueillis très gentiment
Sitôt arrivés, la mauvaise nouvelle tombe, ça y est, un des nôtres a été congédié par la vie, il a subi la loi du licenciement

Une famille qui se réunit dans la douleur
Attristée par la perte d’un être aimé de tous, personnage haut en couleurs
Il n’aurait pas dû partir si vite, à cet âge, ce n’est pas du tout l’heure
Alençon d’abord, puis direction Rouen, en passant par l’Eure

Difficile de réaliser que c’est vraiment la fin
Malgré les dernières nouvelles pas très encourageantes, nous n’étions pas prêts, personne n’a feint
Cette disparition nous a tous boulversé, nous a parfois coupé la faim
La vie ne tient vraiment qu’à un fil, et ce fil est tellement fin

Devant ce corps éteint, ce visage détendu, d’un homme qui était si intéressant, qui n’avait rien de niais
Nous n’avons pu que constater, plus possible de nier
Il a rejoint son père, qui n’aurait pas pu le renier
Pas de signe religieux, il n’était pas pour le denier

Des pleurs, qui n’en a pas versé
Nous le portions tous dans nos cœur, à commencer par sa mère, qui tout petit l’a bercé
En un instant, nous nous sommes tous sentis comme transpercés
Événement qui aura eu l’avantage de nous réunir, nous qui vivons loin les uns des autres, qui sommes dispersés

Notre cerveau est drôlement fait, c’est si bizarre
Un moment que nous pleurons la vie, qui de ce corps se sépare
L’instant d’après, une blague, quelques rires, et la bonne humeur repart
De l’extérieur, on pourrait croire à un canular

Mais ne nous y trompons pas, la recette magique pour oublier ne nous est pas apparue
S’il est possible d’effacer la réalité quelques instants, comme si le défunt était réapparu
Un piqure de rappel, une mélodie, un mot, le moindre détail rappelant notre cher disparu
Et les rires s’effacent, les pleurs repartent, et oui, c’est bien vrai, devant le juge de la vie il a comparu

Les obligations me contraignent à retourner vers mon foyer
J’imagine déjà mon petit chien à mon arrivée en train d’aboyer
Ma petite famille bientôt au complet, rien qu’à cette idée, je me sens déjà choyé
Et pour ceux que j’ai laissé, je pense à vous, où que vous soyez

Sur la route, j’alterne moments de silence et musique bruyante
Parfois impassible, parfois l’âme pétillante
Inévitablement, par moments l’âme vacillante
Et pour tout ceux que j’aime, une pensée bienveillante

Il fut un temps où la table était complète
Lors des réunions de famille, où c’était jour de fête
Peu à peu, des chaises sont enlevées, certains manquent à l’appel, mais ce n’est pas une défaite
C’est juste qu’ils nous attendent à une autre table, qu’en attendant, nous restent des souvenirs plein la tête

Ce trajet sur la route, c’est vers la destination le transport
A l’image de la fin de vie, vers laquelle se dirige le corps
Et bien que des problèmes, nous en aurons encore
Ce voyage aura toujours plus de valeur que la plus grande montagne d’or

Pas simple de digérer le départ d’un proche, je dirais même très difficile
Mais n’oublions jamais que notre corps n’est qu’un ustensile
Et que l’âme peut changer de domicile
Ceci est valable pour tous, même pour le roi des imbéciles

Perdre un proche ne nous oblige pas à vivre dans la tristesse
La vie continue, il faut en profiter, c’est la moindre des politesses
C’est un privilège, il faut la traiter avec délicatesse
Et pour ceux qui n’ont pas encore compris, ne perdez plus de temps, montez dans le train de la joie et de l’amour à toute vitesse !

Loïc Otharan
13 Mai 2022