Le volcan

Le volcan, ce surnom qui m’a plusieurs fois été attribué
Quand j’y repense, un voile vient sur mes yeux pour les embuer
Des souvenirs remontent, ces derniers jours y ont grandement contribué
Alors, une fois de plus, je vais essayer de décrire ce que je retire de cette buée
Pour me libérer, et peut-être quelques conseils vous distribuer
Je ne demande rien en retour, pas question de me rétribuer

Le volcan, pourquoi ce surnom, que signifie t’il exactement
En résumé, c’est qu’en moi se passe le même fonctionnement
Visiblement très calme, semblant vivre paisiblement
Et pourtant, derrière les apparences, un véritable bouillonnement
Rien de visible, tout se passe intérieurement
Jusqu’au jour où le volcan se réveille, éjecte la lave en fusion qui l’habite, cette lave qui dévaste tout, et le recouvre dans un bouillant ruissellement

D’où vient cette boule de feu qui brûle en ma poitrine
D’où viennent ces douleurs physiques qui peu à peu m’assassinent
Ces migraines à répétition qui m’ont fait essayer tant de médicaments, qui ont farci mon corps de toxines
Pourquoi ces douleurs qui me font perdre mes moyens, qui me ratatinent
Qui m’empêchent de profiter de la vie, ma concentration la contamine
Pourquoi mon corps me fait si mal, qu’on dirait qu’il veut que je l’extermine

Ça vient de loin, c’est une accumulation de sentiments d’injustice vécus depuis mon enfance
Je n’ai jamais eu à me plaindre, tout à été fait pour moi, j’ai toujours eu beaucoup de chance
Mais la bêtise de certains et la maladresse d’autres, en qui j’ai toujours garder la confiance
M’ont impacté plus d’une fois, et j’ai malgré tout gardé le silence
Blessé, vexé sans en avoir l’air, j’ai emmagasiné jusqu’à cette nouvelle expérience
Celle d’exploser, nouveau comportement, survenu au début de mon adolescence

Exploser, comme un nouveau pouvoir libérateur
Qui a la fois me permettait de tout lâcher et de faire fuir les emmerdeurs
Moi qui jusque là subissait sans rien dire, tout d’un coup je faisais peur
Lâcher mes nerfs, frapper les murs, je libérais toute ma fureur
Enfin je me faisais respecter, même si je passais pour un fou qui ne gérait pas ces humeurs
Voyant que ce système de défense fonctionnait, je suis devenu ce colérique imprévisible, c’était une grossière erreur

Me taire puis exploser était devenu mon fonctionnement habituel
Attendre de suffisamment avoir mal pour montrer les crocs était devenu un rituel
Si j’avais dit les choses sur le moment, ça m’aurait éviter certaines relations conflictuelles
Si j’avais été systématiquement direct, mon corps n’aurait pas tant de séquelles à l’heure actuelle
Je ne regrette rien, j’ai composé avec toutes mes émotions en mouvement perpétuel
Et sans avoir subit ces souffrances, je ne pense pas que j’apprécierais tant d’avoir développé mon côté spirituel

Les souffrances endurées permettent d’acquérir de la sagesse, mais qu’elle est longue à venir
Pourquoi n’arrivons nous pas à comprendre qu’il ne faut pas attendre pour prendre soin de soi, ne pas attendre l’avenir
Pourquoi voulons nous vivre en paix, sans jamais vraiment y parvenir
Pourquoi ce sentiment d’impuissance, lorsque nous voyons des événements graves advenir
Comment se fait-il que nos expériences mettent tant de temps à nos besoins subvenir
Depuis le temps, nous devrions être aptes à réagir correctement, nous ne devrions plus avoir peur de voir l’inconnu survenir

Le plus malheureux, c’est de se voir reprocher de commettre ces mêmes erreurs qui nous ont fait souffrir
Le comble me semble t’il, si cela ne me concernait pas, je pourrais presque en rire
Reproduire les maladresses qui m’ont impacté en pensant être juste, puis suite aux incompréhensions, me faire pourrir
Rentrer dans la parano de me dire qu’on me considère injuste, c’est pour moi ce qu’il y’a de pire
Ça réveille en moi toutes les blessures, encore à vif pour certaines, ces envies de m’auto-détruire
Je me dis parfois que la vie n’a rien que des mauvaises choses à nous offrir

J’ai l’impression qu’on me reproche d’être ce que je suis, qu’on ne respecte pas ma nature
Comme le loup qui dérange, mais qui ne fait qu’obéir à ses besoins, tout simplement plus adapté à ce monde, où nous imposons notre dictature
Comme les vautours, injustement comparés à ceux que l’on surnomme aussi les pourritures
Mal vus parce qu’il attendent la mort pour manger, guetter la fin des autres serait leur signature
Alors que grâce à eux, nos montagnes restent propres, et que leur vol embelli le ciel bleu azur
Pour quelqu’un qui essaie de toujours faire au mieux et d’évoluer, rien de plus cruel que d’imaginer être vu comme une ordure

Il y’a des blessures que l’on oublie, mais qui se réveillent au moindre incident
Des douleurs infligées trop injustes, et aussitôt je deviens dissident
Se tromper, commettre des erreurs, ce sont des accidents
Ne pas les reconnaître, c’est faire du mal aux autres, et à son corps en l’oxydant
Mais se faire accuser à tort alors que vous sortez les antioxydants
C’est dur à digérer, impossible d’avaler la pilule, sauf en le décidant

Aujourd’hui, je viens parler de ce que tout le monde a déjà ressenti, l’injustice
Pour moi, elles se sont toutes accumulées les unes sur les autres, comme un vase rempli d’eau, où l’on rajoute de la pisse
Pisse devenue solide au fil du temps, sur laquelle je marche et parfois glisse
Que je croyais évaporée, mais qui remonte lorsqu’un bâton remue le fond, et tape sur les cicatrices
Plus le temps passe, et plus mon vase se rempli d’immondices
Plus le temps passe, plus le temps de laisser retomber ces déchets est long, comme un interminable supplice

Ces injustices continuent d’alimenter la lave de mon volcan
Cette lave qui une fois sortie ne refroidit que très doucement, la douleur persiste en moi, en bivouaquant
Cette rage intérieure, cette tornade en moi, qui insiste en m’attaquant
Je pourrais la laisser me contrôler, en devenant méchant, en abdiquant
Mais je ne suis pas comme ça, je me venge et me défend, en la contre-attaquant
Remise en question, bienveillance, je gagnerai, oui, mais quand

Je crois donc qu’au final, garder le silence pour ne pas blesser sème la gangrène
Que se taire ne fait que créer des rancœurs et répandre la haine
Plus on attend, plus on rumine, plus nous pensées se brouillent, nous parasitent, une infection bactérienne
Ne perdons pas de temps, elle est si courte, notre vie terrienne
Ne nous laissons plus polluer par ce que disent et font les hyènes
Travaillons sur nous, essayons de comprendre d’où viennent nos souffrances, pour nous délivrer de leurs chaînes

Aujourd’hui, ce que j’ai commencé à comprendre, en grande partie grâce à mon intelligente compagne
C’est que je suis mon propre bourreau, et qu’aucun de nous deux ne gagne
Je dois écouter ce que je considère comme un monstre qui m’accompagne
Ne plus le nommer « monstre », car il est moi, je suis lui, il veut juste que mon estime en lui se regagne
Lorsque j’aurais enfin compris ce qui m’a fait le voir comme un monstre, et que je serai capable de trinquer avec lui au champagne
J’aurai franchi un cap et pourrai passer à autre chose, aussi fier que d’avoir gravi un sommet semblant inaccessible, près à découvrir de plus hautes montagnes

Loïc Otharan
21 Octobre 2021