Le coup de fil

Là, tout de suite, s’il fallait partir
Maintenant, à l’instant, si s’arrêtait mon avenir
Que les questions stoppaient, que la dernière serait de me dire
Qu’adviendra-t’il de mes enfants, que vont-ils devenir
Où vais-je aller maintenant, mes proches vont-ils s’en sortir
Suis-je donc bien préparé, si soudain, je dois mourir

A cette question étrange, je ne saurais répondre
Avant quand j’y pensais, ma réaction, me morfondre
J’ai la peur du néant, je m’inquiète pour les miens, je m’effondre
Depuis j’ai bien changé, mes croyances ont fait fondre
Mes tourments, mes angoisses, leurs pics se sont fait tondre
Je ne suis pas résigné, mais j’accepte, ne surtout pas confondre

Ce que je sais, c’est que je n’aurais pas de regret, car j’aurais fait de mon mieux
Avec des « si », j’aurais pu vivre plus vieux
Avec des « si », le cours de ma vie aurait été moins pluvieux
Avec des « si », j’aurais utilisé tout mon potentiel, j’aurais fait plus d’envieux
Comme un signe que j’aurais dû écouter plus tôt, qui m’aurais permis de prendre les choses moins au sérieux
J’ai un jour pris une « scie » sur une dent, à sa vie, j’ai dû dire adieu

Ma dent, percutée par cette scie, a été cassée, puis dévitalisée
A l’époque, j’aurais dû y voir un signe, car sur les « si », je ne faisais que focaliser
A trop vouloir me projeter, je ne parvenais qu’à me démoraliser
Je vivais trop dans le passé, en angoissant pour le futur, mon présent s’en retrouvait pénalisé
Jusqu’au jour où j’ai eu le déclic, où j’ai enfin réalisé
Que j’avais les ressources en moi pour supporter tout ça, où j’ai assumé d’être spiritualisé

Mon corps, qui m’aura rendu beaucoup de services
N’a pas été épargné, il en aura subi des sévices
Lorsque j’étais au plus mal, lui aussi endurait le supplice
Combien de ses appels auront percuté mon cerveau au murs lisses
Qui n’écoutait ni ne voyait pas, étouffant les douleurs dans les coulisses
Croyant qu’en les faisant taire, ma vie finirait par devenir un délice

A ce corps, j’ai envi de dire merci, merci de m’avoir toujours soutenu
Pardon de ne pas l’avoir suffisamment apprécié, merci de m’avoir jusqu’ici servi de tenue
Le jour où mon âme le quittera, où elle ne sera plus sa détenue
Je pense avoir le droit de dire, puisqu’il m’aura appartenu
Que j’aimerais l’offrir aux vautours, qu’il leur serve de menu
Que ces majestueux rapaces l’emmènent avec eux dans les cieux, qu’au soleil, ils annoncent ma venue

Si je pars trop tôt, je voudrais dire à mes enfants
Que si ma mort leur fait mal, et leur grand coeur fend
J’aimerais qu’ils répondent à la vie en triomphant
En montrant qu’ils auront hérité de belles valeurs, qu’ils gardent leurs qualités en les étoffant
Qu’ils profitent au maximum de leur vie, en la bouffant
Qu’ils se rélèvent de chaque coup, qu’ils répondent aux attaques en les étouffant

Qu’on se le dise, je ne suis pas du tout pressé de quitter ce monde
J’ai des projets plein la tête, et l’imagination féconde
Les rêves de découvertes, d’aventures et de nouveautés abondent
Mais je sais que même en vivant en bonne santé jusqu’à tard, en profitant de chaque seconde
Je n’aurais jamais le temps de tout faire, rarement nos envies et la dictature de notre destin correspondent
Quel que soit le temps qui me reste à vivre, il y aura toujours un goût d’inachevé, j’en ai la conviction profonde

J’y aurais mis le temps, mais mon équilibre j’ai réussi à trouver
Je fais suffisament confiance en mes choix pour ne plus attendre d’être approuvé
Je sais que j’ai toujours évolué dans le bon sens, même s’il me reste bien des choses à prouver
Je l’ai un temps perdue, mais mon âme d’enfant je l’ai retrouvée
Si comme pour tous, mon parcours m’aura énormément éprouvé
Je suis fier de pouvoir affirmer que j’ai fait de mon mieux, mes actes ne pourront être réprouvés

A chacun son vécu, son passé, son histoire
Pour ma part, lorsque viendra le moment de tomber dans le trou noir
J’emporterai tout ceux que j’aime avec ma mémoire
Je laisserai constater l’impact de mon absence à ceux qui n’auront pas su voir
Je partirai confiant, sans la peur de passer au Purgatoire
Je quitterai la vie, en lui disant simplement au revoir

La vie passe très vite, elle ne tient qu’à un fil
Parfois elle semble longue, mais lorsqu’on se retourne, on voit que le temps défile
Quel que soit notre histoire, quel que soit notre profil
Ne perdons pas de temps avec les disputes et les relations stériles
N’attendons pas la fin, que la faucheuse nous passe l’ultime coup de fil
Pour savourer la vie, la croquer avec style

Loïc Otharan
01 Février 2023

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