Heureuse enfance

Heureuse enfance

Un son, une odeur, une ambiance
Et me voilà soudain plongé dans mes souvenirs d’enfance
Projeté des années en arrière, au temps lointain de l’innocence
Cette merveilleuse période de nos vie, où nous sommes le plus proche de l’insouciance
Ce temps où l’on croit que l’avenir c’est l’infini, où l’on attend de grandir avec impatience
Où l’on traite encore nôtre âme avec indulgence
Quelle que soit notre allure, quelle que soit notre apparence
Nous aimons notre vie, ce cadeau si précieux, nous n’en avions pas conscience

L’arrivée imminente de l’été annonce la saison des foins
Bientôt la fête des mères, à l’école, assis dans un coin
Avec amour, je prépare mon cadeau, je m’applique, j’en prend soin
Notre cher instituteur nous assiste, il n’est jamais très loin
Pendant la récréation, les jambes dénudées, le soleil pour témoin
Avec tout les copains, après une courte mise au point
Ça court dans tout les sens, ça crie, la fanfare est de sortie, tagada tagada tsoin tsoin
Puis vient l’heure du goûter, et mon Papa dans les champs, qu’en courant je rejoins

L’école, c’est aussi la bonne odeur qui émane de la cantine
De l’autre côté de la fine paroi de bois et de verre, affairée dans sa minuscule cuisine
Maman prépare avec tout son cœur le repas pour nous tous, les copains et les copines
Assis sur les bancs, pendant que nos corps se dandinent
Que les stylos courent sur les cahiers, qu’une récitation se termine
De délicieux parfums arrivent jusqu’à nos narines
Et mettent nos papilles en éveil, nos estomacs crient famine
Quel sera le menu ce midi, qu’est-ce qui nous attend derrière cette trouble vitrine ?

L’été, c’est le temps des grandes vacances, le temps magique de la liberté
Les classes sont désormais totalement désertées
Le réveil devient plus facile, nous en sommes nous même déconcertés
C’est comme si dans notre sommeil nous étions alertés
Plus une minute à perdre, avec le bon air, il est temps d’aller flirter
Les journées sont longues, il faut absolument profiter de la clarté
Suivant notre imaginaire, nous endossons tour à tour divers rôles, aucun personnage n’est à écarter
Et quand arrive la nuit, nous sommes toujours sur pieds, pour notre plus grande fierté

Pour beaucoup, grandes vacances rime avec voyage
Chez nous, c’était direction la Normandie, et ce depuis mon plus jeune âge
Deux semaines chez mes grands parents maternels, que des bons moments, aucun gaspillage
L’odeur du thym et du persil émanant du jardin parfaitement entretenu par mon super Papi sage
L’odeur des pommes de terres sautées de mon adorable Mamie, pendant qu’avec les cousins et mon frère, nous jouions sous les nuages
Les retrouvailles en famille, tout le monde rapplique, le grand remue ménage
Les promenades, les visites chez Mémère, chez les Tontons, les plages du Débarquement, sur lesquelles nous aimions ramasser les coquillages
Puis vient le temps des adieux, retour à la maison, larme à l’œil, quel dommage

La rentrée scolaire n’est plus très loin, vient le temps des achats
Il faut reprendre le rythme, terminée la vie de pacha
Dans ma bouche un goût amer, je rejette un crachat
Fini la liberté, je me venge en écrasant la queue du chat
D’accord, c’est chouette l’école, mais pas la gym ni la danse, tout sauf les entrechats
Puis les odeurs de neuf, cartable, trousse, tennis et autres, et dans ma tête, c’est la Cucaracha
Etourdi de bonheur, bien mieux que de fumer la chicha
Je retrouve les copains, et si on jouait tous à chat ?

L’été se termine, les journées raccourcissent
La chasse a commencé, Papa est aux anges, ces chiens aussi, toujours dans les cinq ou six
Il tient à nous transmettre son savoir, je suis fier d’être son fils
Mon frère et moi le suivons parfois, en partageant des moments complices
Avec souvent la chance de voir le lièvre qui fuit, délogé de son gîte, sur les hauteurs, ou au milieu du champs de maïs
Nous jouons aussi aux aventuriers sur les collines, nos vélos servent à nous chauffer les cuisses
Cest l’automne, des brebis meurent à la maison, les vautours rappliquent, pour moi pure beauté sans artifice
Ma fascination pour ces seigneurs des cieux a ouvert à tout jamais mon cœur, jamais ne se refermera cette cicatrice

Les vautours, les collines, la campagne, je rêvais d’une vie d’aventures
Les séjours chez ma tante à Lacarre, que des bons moments, notamment avec mon cousin, toujours en pleine nature
J’ai un temps été inscrit au foot, mais je prenais plus plaisir à reproduire les matchs en peinture
Bien moins à l’aise sur le terrain que dans le monde de la lecture
Je me voyais super héros, je n’étais qu’une simple caricature
Peu importe, je parvenais à vivre mes rêves à travers le souffle de mon imagination, glissant vers mon esprit comme un léger murmure
Quand il pleuvait trop, mon frère et moi sortions les petites voitures
Pendant que Maman nous préparait de délicieuses confitures

L’hiver arrivait à son tour, avec son lot de plaisirs
Être enfant c’est magique, tout les bons moments sont facile à saisir
Papa coupe du bois, le regarder devient sur le moment mon loisir
Maman arrive et nous ouvre une boîte de chocolats, nous n’avons plus qu’à choisir
Mélange de différentes senteurs et de bon goût, instant de pur bonheur, au delà de tout mes désirs
Voilà déjà Noël, vite, il est temps de me ressaisir
Je dois cirer mes souliers avant l’arrivée du Père Noël, mes joues commencent à rosir
Dans le ciel déjà noir, j’aperçois le nez de Nez Rouge, et mes joues finissent par cramoisir

En attente sur notre lit, et soudain, trois coups sous le plancher, puis Tino qui se met à chanter, dès lors
C’est officiel, Papa Noël est passé, et nos souhaits les honore
Nos craintes sont effacées, nous découvrons alors un gros tas prometteur, au pied du joli sapin multicolore
Comment fait-il pour livrer le monde entier si vite, ça, nous, on l’ignore
Une chose est certaine, nos vies, il y apporte de la magie, il les colore
De longues veillées en famille, la joie qui s’y incorpore
La fatigue ne compte plus, l’excitation porte nos corps
L’énergie est si bonne, un moment qui vaut plus que de l’or

Ces moments et tant d’autres, greffés dans ma mémoire
Comme une bouffée d’oxygène, comme une trouée de lumière dans un tunnel noir
Qui ressurgissent parfois, comme un magnifique paysage au détour d’un virage qui m’empêchait de le voir
Me rappellent qui je suis, d’où je viens, me rappellent mon histoire
Cette enfance heureuse, bercée de rêves et de croyances illusoires
Ce tronçon de notre vie à tous, hélas provisoire
Cette enfance fut pour moi une merveilleuse période de cours préparatoires
Chaque souvenir qui surgit est pour moi une victoire

Quand je le vois courir vers le bus, mon amour de petit gamin
Pour aller à l’école, et qui se retourne pour me faire un signe de la main
Je me dis que c’est quand même chouette d’être un humain
Et que même si depuis mon enfance, il y a eu de nombreux obstacles sur mon chemin
Ils valaient la peine d’être franchis, comme des tests au cours d’un examen
Je crois que le fil de nos vies est comme un parchemin
Une notice qu’il faut savoir interpréter pour ne plus avoir peur du lendemain
Quelle plus belle leçon que de savoir savourer sa chance au présent, sans se préoccuper de ce qui arrivera demain

Loïc Otharan
7 Juin 2023