Basque

Basque, ça veut dire quoi au juste
Faut-il porter le béret et garder bien droit son buste
Faut-il avoir l’apparence des paysans d’antan, être aussi robuste
Est-ce que ne pas parler la langue est éliminatoire, ou est-ce complètement injuste

Oh, je ne vais pas me mettre à faire de la politique
Je sais bien que quoi que j’écrive, je recevrai des critiques
Mais je ne suis pas là pour me faire des amis, je dis ce que je pense, en essayant de rester poétique
J’aime bien écrire mes ressentis, c’est une bonne méthode thérapeutique

Pour certains, être Basque, c’est d’abord adopter la culture
S’intéresser à l’histoire du pays, se plonger dans sa littérature
C’est utiliser la langue à l’oral comme dans les écritures
C’est de tout faire pour que continuent d’exister les traditions dans le futur

Les gens qui pensent et qui œuvrent pour ça ont du mérite, c’est tout à leur honneur
Ceux qui partagent leurs savoirs en retirent généralement du bonheur
Mais dans le lot, certains aiment les leçons, ce sont de grands donneurs
Ils en oublient d’appliquer leurs conseils et d’être bienveillants, à ceux là, je lève mon doigt d’honneur

Vous n’avez pas l’habitude de me lire comme ça, je vous choque
Désolé, mais devant des gens comme ça, je ne peux pas baisser mon froc
Que ça plaise ou non, je donne mon point de vue, et tant pis si on me bloque
De me faire détester par ce genre de personne, j’avoue que je m’en moque

Pourquoi je parle comme ça, qu’est ce qu’il m’arrive
Est-ce que je pars en cacahouète, est-ce que je dérive
Je ne crois pas, ce sont juste des souvenirs qui se ravivent
Et pour me soulager, il faut que je les écrive

Né de père Basque, mais de mère Normande
J’ai souvent dû faire face à des comportements dignes du temps de la dictature allemande
Ne pas être capable de comprendre ou de m’exprimer dans la langue du coin m’a plusieurs fois valu des réprimandes
Certains ont été jusqu’à me tourner le dos pour ça, et comme un crétin, de ma honte, je leur en ai fait l’offrande

Mais il y’a longtemps que je n’ai plus honte, que l’on ne peut plus m’humilier
Des idiots comme ça, dans le monde, il y’en a des milliers
En écrivant ces lignes, je deviens comme un grand fourmilier
Qui dévore les fourmis dont les piqûres et le mépris me sont devenus familiers

On m’a déjà reproché de m’habiller trop français
On m’aurait mieux accepté si le Fandango je dansai
En m’effaçant ou en m’emportant, je les récompensais
Ils ont réussi à m’écraser, du moins, ils pensaient

Maintenant, je sais qui je suis, et j’en suis fier
Je n’ai pas réussi à apprendre la langue, mais au moins, je n’ai pas un cœur de pierre
Je vis ici depuis toujours et j’y suis né, ça ne date pas d’hier
Ma famille paternelle est du village, mes ancêtres dorment dans son cimetière

Quand j’ai la chance de retourner sur des lieux chargés d’histoires dans le village
Je me pose et j’écoute le silence des mémoires sans âge
J’imagine mes ancêtres et leurs concitoyens, qui de leur temps ont été ici, de passage
Et je me dis qu’ils doivent être fier de me voir marcher dans leur sillage

Basque, je le suis quoi qu’on en dise
J’ai essayé de l’apprendre, mais quand j’essaye de le parler, c’est comme si je me déguise
Je ne participe pas aux tournois locaux en tout genre, serait ce une bêtise
C’est juste que ce n’est pas mon truc, j’ai d’autres loisirs, faire ce que j’aime, dorénavant ma devise

J’ai malgré tout baigné dans la culture Basque durant mon enfance et ma jeunesse
Je pense que ça continuera jusqu’à la fin de ma vieillesse
Le bourg est pour tout les jeunes et moins jeunes associé à de nombreux moments de liesse
Ça fait longtemps que c’est comme ça, c’était déjà le cas bien avant que je naisse

Il y’a les idiots auxquels je m’adresse
Mais il n’y a pas que ça qui m’intéresse
Je voudrais parler du dynamisme de nos villages qui régresse
Beaucoup de nouveaux habitants n’ont de lien avec nos villages que par leur habitation et son adresse

Autrefois, les bourgs étaient vivants, il y avait de l’activité
Mais il n’est pas rare, pour ne pas dire courant, que ces mêmes lieux soient aussi déserts qu’un endroit où règne la radioactivité
Les commerces et services disparaissent, ne pouvant plus faire preuve de compétitivité
Il est de plus en plus difficile de créer du lien au sein des villages, il faut faire preuve de plus de créativité

Les commerces disparaissent, engloutis par les grandes enseignes des villes voisines
Par internet et toutes ses nouvelles lois assassinent
Les nouveaux arrivants s’installent, sans forcément vouloir prendre racine
Toujours plus de maisons, toujours moins de prairies, d’arbres, les villages s’asphyxient, le mal est dans leur poitrine

Je suis du bâtiment, et j’ai la chance de pouvoir choisir un peu mes chantiers
Je n’hésite pas à privilégier les vieilles bâtisses reculées, quitte à devoir emprunter des sentiers
Je privilégie les locaux, plutôt que le premier venu des rentiers
Je pense que c’est une preuve que mon esprit Basque reste entier

Le tableau que je dresse n’est pas très reluisant, mais ce n’est que la face cachée
L’autre côté est bien plus beau, et l’image n’est pas encore gâchée
J’écris pour mettre des choses au clair, mais je ne suis pas fâché
Et les bons souvenirs ne sont pas près de me lâcher

Les montagnes Basques ne sont pas non plus prêtes d’arrêter de me faire rêver
Chaque fois que je trouve le temps d’y randonner, j’ai le sentiment, au sens propre comme au figuré, de m’élever
Même si l’identité de nos villages en prend un coup, nos sommets continueront d’imposer leur magie, et ne se laisseront pas achever
Je crois pouvoir dire que l’amour pour mon village et les monts Basques, je le porterai jusqu’à crever

Je suis Basque, mais je pense qu’il y’a de ce terme de nombreuses définitions différentes, et pourtant toutes acceptables
Ce qui compte avant tout, c’est d’aimer ce pays, de s’y intégrer humblement, sans devenir un prétentieux arrogant et insupportable
C’est aussi de toujours rester respectueux et respectable
Et au final, Basque ou pas, ce qui compte avant tout, ce sont d’abord nos valeurs, et ça, c’est indiscutable

Loïc Otharan
13 Octobre 2022

Loïc Otharan (sapeur Fête Dieu Hélette)
Pays-Basque Normandie