Beurk

J’étais un gamin rêveur, j’ai eu de la chance tout le temps.
La vie m’a privilégié dans tout les domaines.
J’ai dû faire face à des coups durs, comme tout le monde, mais je m’estime chanceux sur tout.

Malgré tout, j’ai aujourd’hui besoin de parler de mon sentiment de dégoût à propos de l’évolution des choses en général.
Je vais parler un peu de mon parcours pour faire quelques comparaisons:

A l’école primaire, mon rêve était de devenir instituteur.
J’aimais beaucoup l’école.
Faut dire que Mr Langlès a été un très bon instituteur, je l’aimais beaucoup.

Au collège, ça s’est gâté.
Mes résultats n’étaient pas mauvais, et je me donnais les moyens pour y arriver.
Mais avec le recul, j’ai compris pourquoi j’ai radicalement changé de point de vue et pourquoi j’ai absolument voulu quitter le cycle scolaire.
Les méthodes d’apprentissage sont pour moi à côté de la plaque, quand au contenu…
Tout semble revu à la baisse, du moins, c’est mon impression…

Je trouve qu’il y a énormément de choses à revoir pour stimuler les élèves.
A commencer par le comportement de certains professeurs.

Je ne regrette pas d’avoir changé d’avis et de ne pas être devenu instituteur.
Tout a bien changé depuis le temps où nous étions les élèves…

Je comprend que les professeurs puissent craquer, c’est devenu très compliqué.

Mais à mon époque, j’ai franchement perdu beaucoup de temps à cause de certains d’entre eux.
Le stress de certains me tétanisait et je perdais mes moyens.
J’en arrivais même à avoir des migraines à répétition à cause de l’école, qui m’ont pourri cette période.

Puis à 14 ans, j’ai fait un petit stage en entreprise chez un menuisier du village.
3 jours à faire le manœuvre et à monter de la tuile sur le toit de la maison qu’il se faisait construire.
Pas un brin de menuiserie…
Mais à la fin du stage, le patron m’a proposé de revenir à son atelier le samedi pour découvrir son métier, j’ai accepté de suite ,et beaucoup apprécié l’expérience.

Ce fut un premier déclic…
Moi qui n’avais jamais connu le monde du bâtiment, qui n’avais aucune famille proche dans ce milieu, je me suis senti attiré.
Je n’étais pourtant pas manuel jusque là, mes parents considéraient que ma voie serait de continuer dans le général .
Mais ce stage a prouvé que j’étais quelqu’un de vaillant et motivé .

Un an plus tard, en 3ème, il était temps de trancher.
Je devais choisir ma voie.
Une seule certitude, celle de ne plus vouloir aller au lycée.

Puis les choses ont fait que j’ai fini par choisir de devenir apprenti plâtrier.
Enfin, je dirais plutôt que c’est ce métier qui m’a choisi.
Plusieurs anecdotes insignifiantes et pourtant déterminantes qui m’ont amené à choisir cette voie…

Bref, c’était mon choix et avec mes parents, nous avons dû lutter pour que je puisse y accéder.
La prof principale estimait que c’était du pur gâchi pour moi, qu’avec mon niveau je devais continuer au lycée.
Mais elle aurait dû y penser avant avec ces collègues.
Ils n’ont pas réussi à me donner l’envie, bien au contraire…
Et ses seuls arguments pour me dissuader ont été de me dire que le CFA du bâtiment n’était fait que pour les cancres ,et que je mourrais d’un cancer du poumon à 50 ans.
Elle avait peut-être raison, l’avenir nous le dira…
Mais j’estime qu’il y avait autre chose à dire et je la méprise pour avoir osé me dire ça…

A 15 ans, brevet en poche, j’attaquais le boulot direct après la fin de l’école, sans prendre de vacance.
Un monde tout nouveau auquel je ne connaissais strictement rien et auquel j’ai dû m’adapter.
J’ai aimé ce métier qui est devenu une passion.
Je n’aimais pas du tout le placo et les outils qui allaient avec, mais j’adorais le plâtre traditionnel et la brique.
Les week-ends, j’achetais des matériaux pour m’entraîner dans la bergerie de mon père.
Je créais des ouvrages que je détruisais ensuite.
A 18 ans, je voulais plâtrer tout seul à la machine, je m’en sentais capable.
Il faut savoir que ça demande beaucoup d’énergie car il faut à la fois alimenter, surveiller et nettoyer la machine, et suivre le plâtre en même temps.
Personne ne m’a laissé faire…

Mais c’était sans compter sur ma détermination…

Un samedi matin, le permis fraîchement en poche, je me suis rendu en cachette sur un chantier et j’ai lancé la machine.
Évidemment, comme je suis du genre excessif, j’ai Projeté le plâtre en trop grande quantité.
Il y avait de la surface pour 2 gars.
J’ai passé 16 heures sur place pour terminer, j’en ai chié, mais j’y suis arrivé.
J’étais fier de moi en dessinant sur le plan les zones faites ,à la demande de mon patron.
J’ai par contre vécu comme une injustice qu’il oublie de me payer cette journée…

A 20 ans, je devenais artisan, poussé par l’envie de choisir mes chantiers et de faire au maximum de traditionnel.

Je me suis haché physiquement, sans jamais me ménager.
Bien des fois j’ai eu envi d’arrêter, de tout planter.

Mais j’ai tenu.
Presque 4 ans tout seul, puis 9 ans de plus avec un autre artisan que j’avais fait démarrer, aussi vaillant que moi.
Puis de nouveau seul, pour embaucher un de mes anciens formateurs il y a 7 ans déjà.
Depuis j’ai embauché à nouveau, et actuellement, ne restent que les bons, comme une famille.
2 salariés avec moi sur le terrain, ma belle sœur qui me fait quelques heures au bureau, et un super sous traitant pour les gros chantiers à jointer.

Une très bonne équipe, avec des gens fidèles, loyaux, serviables et reconnaissants.
Des gens de valeurs, en qui j’ai confiance.
C’est la seule raison qui me pousse à continuer mon travail de cette façon.
J’aurais déjà arrêté avec des gens plus procéduriers.

C’est là que je veux en venir, les procédures, les lois, les normes, les obligations, les interdictions…

Nous sommes arrivés à une époque où tout doit être plus que carré, car même en l’étant totalement, l’épée de Damoclès reste au-dessus de nos têtes.

En devenant artisan, je me suis créé mon métier, mais je n’imaginais pas toutes les responsabilités que je prenais et que j’allais prendre plus tard.
Certes, ça a bien marché, mais à quel prix!

Tant d’heures de travail, tant de nuits mouvementées à cause du stress, de la pression.
Une vie de famille qui a volé en éclat à force de vouloir être la pour tout le monde sans penser à moi.
Ma santé qui se dégradait, de multiples migraines, des boutons douloureux et inesthétiques pour me défigurer, des douleurs dans de nombreuses articulations, les intestins, le foie, le ventre, tout ça à pris cher et les médicaments n’y sont pas pour rien.

A nôtre époque encore, on privilégie les médicaments au méthodes naturelles pour nous « soigner ».

On nous vend des médocs à profusion, ça engraisse du monde mais personne ne cherche la source du problème.
Si tu as des migraines, bourre toi de cachets.
Tu auras le ventre flingué mais pour ça aussi y’a des cachets.
Tu dormiras mal mais là aussi on a ce qu’il faut.
Et ainsi de suite…

Il serait tellement plus intéressant de nous apprendre à gérer le stress et surtout de le minimiser en allégeant le poids qu’on nous fait porter .

C’est faisable, largement, mais ça n’intéresse pas ce qui tirent les ficelles…

Ceux qui décident pour nous, qui pondent des lois en douce et nous imposent leurs volontés sans rien connaître du terrain…

J’étais un apprenti qui faisait 9 heures de travail intense par jour, du lundi au vendredi.
Sans compter les 2h de route pour aller et revenir du travail.
Je posais de la laine de verre sans aucune protection, en équilibre sur un vieil escabeau en bois, lui même en équilibre sur des planches au dessus du vide.
J’étais un apprenti qui passait des journées à monter des tas de brique sur l’épaule, en montant à l’étage par l’échelle .
Je rentrais avec les T-shirts déchirés, l’épaule et le cou en sang.
Je me rendais chez mon chef en mobylette, à 10 minutes de chez moi.
Le reste du trajet, je l’ai souvent fait assis sur une caisse à outil, à l’arrière de la fourgonnette, sans protection non plus…

Malgré tout, je n’avais pas peur de travailler aussi le week-end.

Quand je vois que maintenant un mineur n’a pas le droit de monter sur un escabeau ou de toucher un outil, qu’il ne doit pas dépasser les 35h, qu’il faut tout aux normes ++ pour le recevoir, et tout les documents que ça nécessite, ça me révolte.
Nous sommes passés d’un extrême à l’autre, comme pour beaucoup de choses malheureusement…

Il y a soi-disant une intention de développer l’apprentissage pour combler le manque de main d’œuvre, mais tout est fait pour que les jeunes deviennent des paresseux assistés.

Un patron a le droit d’autoriser son apprenti à utiliser les outils, mais mieux vaut qu’il n’arrive rien, car il sera automatiquement tenu pour responsable…

Ça marche pour tout.

La sécurité, c’est indispensable, mais la aussi, nous sommes passés d’un extrême à l’autre.

Maintenant, au moindre pépin, on risque gros lorsqu’on est chef d’entreprise.

Un accident sur le chantier et ça devient la catastrophe.
Il faut un coupable à lyncher et à plumer !

Il faut aller toujours plus vite mais on nous impose toujours plus de règles, par toujours applicables mais c’est pas grave, il faut les respecter, sinon …

J’ai la chance d’avoir une clientèle composée de gens généralement honnêtes et gentils.
J’ai la chance d’être bien entouré.
Sans ça, j’aurais tout laissé, car ceux qui décident pour nous ont réussi à me dégoûter d’être artisan.
Il me reste encore des avantages, je n’ai pas à me plaindre.
C’est juste que le système devient lourd, épuisant.
La paperasse prend le dessus, c’est pourtant bien la main d’œuvre sur le chantier qui est indispensable…

Je ne vais pas m’eterniser plus sur mon boulot, j’aurais de quoi écrire un bouquin.

C’est un grand raz le bol qui me pousse à écrire tout ça, l’impression d’être une marionnette manipulées par des guignols.

L’histoire du fameux virus en est un excellent exemple.
T’as pas ta dose, t’es qu’une merde, un égoïste qui met les autres en danger.

Bien content d’avoir résisté à ces ploucs, et d’avoir protégé mes gamins.

Difficile de faire confiance à ceux qui répandent la bêtise et les programmes fadassent à travers la télé, à travers les influenceurs influençables.

Pas confiance en ceux qui réussissent à effacer tant de diversités.
L’identité des villages, des départements, etc qui se perdent.
Les petites boutiques qui se ferment tout les jours pendant que les grandes enseignes pullulent.

Même notre langue en perd tout les jours.
On nivelle toujours par le bas.
Plus facile de faire obéir des incultes en les laissant vivre dans leur petit confort, en leur créant des besoins.

Il y a des tas de sujets divers sur lesquels on peut comparer, voir que la qualité est systématiquement revue à la baisse…
Je ne vais pas écrire plus longtemps, ce texte est déjà bien trop long pour être adapté à ce réseau…

Je n’ai pas les mots pour dire ce que je pense de ceux qui décident…
Ou plutôt si, j’en ai beaucoup, mais ils ne sont pas forcément beaux…
Alors je vais conclure en disant que ma photo parlera pour moi…

PS: je continuerai quand même à faire de mon mieux, que ce soit au niveau professionnel comme au niveau personnel.

Bonne journée et merci à ceux qui auront eu le courage de lire jusqu’au bout 🙂