29 Avril 2008, la fin du monde

29 Avril 2008, la fin du monde !

La fin de mon monde, celui dans lequel je vivais jusqu’alors …

Ce jour là , j’ai perdu un pilier de ma vie, un de mes principaux repères et modèles, mon grand père , le seul que j’ai eu la chance de connaître…

On ne peut pas dire qu’on ne s’y attendait pas chez nous, mais j’étais à mille lieues d’y être préparé…

Il était malade depuis longtemps, Alzheimer était bien installé dans son corps, et il n’était plus celui qu’il avait été avant…

Mais moi, j’étais tellement naïf , que je croyais qu’il pouvait durer toujours, que je demandais dans mon Interieur à ce que tout ceux que j’aimais fort restent vivants éternellement…
J’avais 27 ans, l’âge de comprendre depuis bien longtemps…
Beaucoup n’ont pas eu la chance de connaître leurs ancêtres aussi longtemps que moi…
Je ne voyais mes grands parents que durant des séjours chez eux, ou lorsqu’ils venaient chez nous , car ils vivaient en Normandie, dans le Calvados …

Ça n’empêche que j’étais (et je reste ) très attaché à eux , qu’ils étaient (et sont) des modèles pour moi…

Je me rappelle de ce jour où , en fin de matinée, un de mes oncles m’a appelé pour m’annoncer la nouvelle…

Je travaillais avec mon collègue de l’époque, et j’ai fait semblant de recevoir un coup de fil banal, alors que le sol s’écroulait sous mes pieds .
À midi, nous sommes allés au restaurant et le téléphone a sonné de nouveau.
Je suis sorti et on m’a annoncé que ma mère partait sur-le-champ rejoindre sa famille en Normandie.

J’ai réussi à imposer ma présence, ne voulant absolument pas la laisser partir seule …
J’ai pleuré un bon coup et une fois séchées mes larmes, j’ai rejoins mon collègue pour lui dire que je prenais quelques jours pour faire face à cet événement…

Arrivés en Normandie avec Maman, les retrouvailles ont été intenses…

J’étais le seul neveu, un peu gêné de montrer mes sentiments, mais les tontons m’ont fait signe de les rejoindre et je n’ai pas réussi à contenir mes larmes.
Une famille normale pour moi, mais depuis j’ai compris que ça n’est pas une généralité , et que j’ai la chance d’avoir été entouré et élevé par des gens qui se respectent et s’aiment, qui sont généreux, loin d’être égoïstes , bref, une famille en or, bien plus précieux que n’importe quel bien …

La cérémonie fut terrible, et je ne sais même pas comment j’ai réussi à parler devant tous .
Je me rappelle que Mamie est venue me remercier ensuite, que j’ai aussi été remercié pour avoir accompagné Maman, et ça m’a fait chaud au cœur, je me suis senti utile et ça m’a fait beaucoup de bien …
J’ai détesté voir ma famille triste, mais j’ai aimé les soirées où, pour nous réconforter, nous essayions de plaisanter autour d’un apéro…
J’avais la main un peu lourde sur la bouteille, sans partir dans les excès , et ça m’a permis de relâcher un peu la pression, surtout que les tontons sont des gars drôles et supers, et que leurs compagnes le sont tout autant …

Le jour de la cérémonie, j’ai récupéré une pierre dans le jardin de la maison où vivaient mes grands-parents.
Elle est désormais scellée au centre du comptoir de ma maison.
Cette maison, ce fut ma bouée , mon gilet de sauvetage…

Une fois rentré , la tristesse me rattrapait à tout moment, j’étais anéanti, avec l’impression que je ne m’en remettrai jamais…
J’en voulais au monde entier car je me sentais trahi , une impression d’injustice…
Je pensais ne pas avoir mérité de vivre ça…
J’avais beau me dire que d’autres vivaient largement pire, ma souffrance restait très difficile à supporter…
On m’a dit que j’étais beaucoup trop sensible, trop fragile, qu’il fallait que je m’endurcisse.
J’aurai bien voulu, mais je ne savais pas comment faire, et j’avais honte …
Puis mon père m’a dit que je devais me fixer un but …

C’est là qu’est intervenue la bouée, ma maison…

J’en avais déjà commencé la construction quelques années avant, sans être pressé d’avancer.
Je voulais faire le maximum des travaux moi même, sur plusieurs années …
Mais suite aux conseils de mon père, je me suis investi totalement dans ce projet, en plus de mon travail, et les résultats de ces investissements m’ont donné du baume au cœur, et le goût d’avancer à nouveau…

J’ai mis un moment à digérer la disparition de Papi, et j’ai été dégouté de ce monde injuste longtemps…

Mais depuis un moment maintenant, l’espoir est revenu, car je suis de plus en plus convaincu que la mort n’est que celle du corps, que l’être existe toujours à travers d’autres choses …

En ce moment, je me suis permis un petit tour sur le Baigura, où j’ai du mal à aller faute de temps…

C’est ici, sur cette montagne, et sur les montagnes en général, que j’arrive à évacuer tout mes trop pleins d’émotions, à condition d’être seul …

Je me suis surpris à me faire submerger par une crise de larmes en pensant à cette période…
Je pensais pourtant avoir été vacciné contre ces pleurs .
Ce ne sont pas des pleurs de tristesse, je ne sais même pas ce que j’ai ressenti exactement…

Mais je regarde autour de moi, je vois les plantes, les paysages dans la brume qui sont toujours aussi beaux et apaisants.
J’écoute, le chant des oiseaux, le bourdonnement des insectes, les cloches, le vent, tout est calme , comme moi, et je suis convaincu que nos disparus n’ont pas vraiment disparu et que d’une façon ou d’une autre, ils ne sont pas si loin, et que ce n’est qu’un au revoir qui nous a été fait, pas un adieu…

Voilà pourquoi je peux dire que maintenant, je suis beaucoup moins impacté par un décès , j’ai retrouvé la confiance en la justice de l’Univers , même si je ne connais pas la façon dont ça se passe « après »…

Tout ça pour vous dire que tant que nous sommes là, il faut en profiter en cultivant le bonheur, et qu’après, tout n’est pas fini , il faut y croire …